Éléments Biographiques
pour servir à la vérité d’un destin
par Gil Alonso-Mier
De l’enfance à l’appel : 1856 - 1892
Au risque de choquer certains lecteurs, nous postulerons tout d’abord que nous ne sommes pas qu’un corps, ce corps assis en train de lire. Nous avons aussi un cœur et un cerveau, sièges des émotions et de l’intellect ainsi qu’une âme qui nous relie au Divin. Un être humain sera d’autant plus exceptionnel aux yeux des hommes qu’il laissera passer et s’exprimer la vie de l’Esprit en lui. Il s’abandonnera à cette Source en y soumettant sa volonté. On peut appeler cette Source de différentes manières. François Schlatter, lui, parlait du Père. On peut s’abuser très facilement en utilisant comme but autre chose que cette Source et avoir des sensations, des pseudo-contacts. Mais il y a fort à parier que l’on confonde le monde psychique (facile à atteindre) avec le monde spirituel. C’est le cas des révélations spirites, de techniques pseudo-spirituelles par le souffle, l’hypnose, le magnétisme, la visualisation, la méditation, la relaxation, le chanelling, la pensée positive, la science du mental, le rebirth, certaines techniques de développement du soi, la magie, les yogas, la clairvoyance…
Il est très difficile de faire la part des choses car nous jonglons avec l’Invisible et l’Inconnu. Lorsque François entend La Voix du Père, celle-ci provient-elle du Ciel ou de lui-même ? Nous affirmons qu’elle vient du Ciel et ce phénomène ne s’explique que par la foi. Schlatter fut exceptionnel dans le contact privilégié et quasi constant qu’il eut avec La Source de Toute Vie.
Comment naît un être « exceptionnel » ? Comme un être commun. Il lui faut passer par l’incarnation. Il doit venir au monde dans la chair. Et, très souvent, plus le milieu dans lequel il vit est banal, plus son « histoire » sera singulière. Jésus était charpentier. Monsieur Philippe de Lyon était boucher. François Schlatter lui, est cordonnier.
Il vient au monde le 29 avril 1856 à 21 heures, à Ebersheim, dans le canton de Sélestat (ou Schlestadt) en Alsace, dans cette belle région de France où la cigogne est un symbole du Christ et symbolise la piété filiale, dans cette province gémelle où l’esprit de l’Allemagne et l’esprit de la France cohabitent de façon si étrange, où la sainte patronne est Sainte Odile, fille d’Adaric ou d’Etichon.
Il est le neuvième enfant de François Schlatter, un tisserand âgé de quarante-huit ans né en 1808 et de Madelaine Derelsamp, une femme au foyer de quarante et un an ans née en 1815 et ce petit dernier, reçoit le prénom de son père.
À l’âge d’un an, François est aveugle, sourd et « ravi » au ciel.
Il guérit de sa cécité grâce à la foi de sa mère et celle-ci le consacre à Dieu. Mais, en revanche, il conservera une certaine déficience auditive. Voila des signes importants et ceux-ci semblent déjà marquer une différence par rapport à monsieur tout le monde. Le fait d’être aveugle ne signifie-t-il pas qu’il possède un certain degré de vision spirituelle ? Il en est de même quant à sa surdité. François entend les ordres de Notre Père qui est aux Cieux mais en revanche, il est parfois sourd dans notre monde terrestre. De plus, une consécration à Dieu est un acte extraordinaire dont nous ne pouvons qu’à grand peine comprendre les implications. Car avec François nous voyagerons toujours aux confins de la science et de la foi. Une telle consécration laisse présager une vie de service et de dévotion.
Le jeune François vit quelques années en Suisse, un pays dont ses ancêtres sont originaires et d’où découle probablement son patronyme. « Schlachter » dans le Haut-Rhin et les Vosges, désigne en allemand un « boucher ». « Schlatter », porté en Alsace-Lorraine et en Franche-Comté désigne « celui qui habite un lieu humide, marécageux » (moyen-haut-allemand « slâte »). « Schlatterer » est une variante du nom précédent. Enfin « Schlechter », vient du nom de personne allemand ou alsacien « Schlecht », qui signifiait au moyen âge « droit, simple, modeste » (alors qu'aujourd'hui l'adjectif « schlecht » veut dire tout le contraire : « mauvais, méchant »).
Un fait singulier de sa jeunesse mérite d’être rapporté. Pendant une dizaine d’années, un rêve commun vient hanter les nuits d’une de ses sœurs ainsi que les siennes. Dans ce rêve mystérieux, François ressemble à un prophète ! : « J’ai eu le même rêve que toi et aucune explication n’était nécessaire. » Le rêve comprend quatre scènes ou parties. Et François les accomplira par la suite. Sa sœur le voit toujours seul, différent des autres hommes. D’une nature calme, il est toujours en train d’étudier, de penser, mais ne s’associe jamais aux autres jeunes : « Marche, marche, marche ! » Puis un rideau tombe. François est en dessous. Elle essaye de regarder, mais il est impossible à quiconque de regarder derrière le rideau. Après un instant, le rideau se lève, et il se tient debout, souriant, bien que très différent, au milieu d’un immense champ de blé, entouré par des enfants joyeux qui dansent. Le grain est mur et flotte au vent. Cette dernière scène où chaque enfant est actif, charmant, et danse avec joie est d’une extraordinaire beauté.
De ce rêve mystérieux, François sera un petit plus prolixe lorsque quelques années plus tard, il confiera : « À présent, vous pouvez constater que je suis dans le troisième acte. Le rideau est tombé. J’ai disparu. Personne ne peut être autorisé à regarder derrière le rideau. Au moment opportun, le rideau se lèvera et je serai alors dans le champ de blé, prêt pour la moisson, et la quatrième partie du rêve de ma sœur sera accomplie. Selon [le Prophète] Daniel, je reviendrai probablement en 1899, bien qu’avec Père, le temps ne soit rien. »
Les choses sont claires. Au fil des années, François reçoit par des rêves ou des visions, des éclaircissements concernant une mission particulière liée au destin de l’humanité. Dans un premier temps, il n’en a que des bribes. Et, progressivement, celles-ci se précisent et vont le contraindre à se « mettre en marche » et agir.
En 1870, François n’a que quatorze ans, lorsque son père décède. Il a commencé un apprentissage en cordonnerie. Cordonnerie et spiritualité ont déjà fait bon ménage au cours de l’histoire. Comment ne pas penser au cordonnier de Görlitz, Jacob Böhme et à toute une lignée royale de cordonniers d’Enoch à Elie en passant par Moïse pour arriver jusqu’à George Fox, le fondateur des Quakers. Porter des chaussures est symbole d’affirmation sociale et d’autorité, c’est le signe que l’homme qui les porte s’appartient à lui-même, qu’il se suffit et qu’il est responsable de ses actes. C’est un acte sacerdotal qui est la marque de l’hominisation et de la civilisation. « Marcher avec des chaussures, c’est prendre possession de la terre » selon le mot de Jean Servier.
La mort de sa mère et le spectre de la guerre franco-prusse l’ont décidé à quitter l’Alsace. Mais, peut-être, a-t-il suivi un ordre d’en haut ? Pas moins de 128 000 Alsaciens Lorrains, soit 8,5% de la population dont 50 000 jeunes gens de 17 à 20 ans quitteront le IIème Reich et opteront pour la France ; 70 000 s’installeront en Algérie. Sur 1 800 000 habitants en Alsace Lorraine, en 40 ans, 260 000 émigreront vers les régions industrialisées françaises, 400 000 vers l’Allemagne et 330 000 vers l’Amérique. François Schlatter émigre en Amérique en 1884 et fait partie de la cohorte des 518 592 immigrants (dont 50 464 pour la période de 1881 à 1890), sur la côte est et passe plusieurs années à New York. D’où a-t-il embarqué ? Probablement de Southampton ! Les archives concernant les listes de passagers et bâteaux ne commencent hélas qu’à partir de 1890. Bien que l’industrialisation défigure les grandes villes et qu’il y ait beaucoup de chômage, l’Amérique apparaît tout de même comme une terre de promesses, un pays jeune et plein d’avenir.
En 1890, l’un de ses amis chers disparaît. À cette époque, il correspond avec Helen Wilmans, une guérisseuse de Floride, l’un des leaders de la « Pensée nouvelle », (un mouvement spiritualiste très côté en Amérique) au même titre que des personnes comme Georges A. Quimby et Madame Eddy. Helen Wilmans amène François Schlatter au mysticisme. Il faut dire qu’elle est l’auteur de livres d’occultisme. Un petit cercle se forme. François rencontre alors des personnes qui s’intéressent à la guérison.
François commence alors véritablement son métier de cordonnier appris dans une ville près de son village natal. Un certain docteur Lawton de New York apporte de temps à autre des chaussures que François coud dans les salons de Sally situés à l’étage pour une somme de 2 dollars 50 la paire, ce qui représente une moyenne de 15 dollars par semaine.
Peu de temps après, il se met en route pour le Colorado. Quelles raisons ont motivé ce choix ? Il faut dire que Denver est un centre très important à cette époque notamment en matière de spiritualisme et une des plaques tournantes de l’économie américaine…
C’est en 1892 que François se fixe à Denver et ouvre une cordonnerie dans la rue Stout au n°1845 avant de trouver un meilleur endroit au numéro 1848 de l’avenue Downing.
Un soir, alors qu’il est au travail à son commerce, une voix lui dit d’écrire à un ami souffrant de paralysie qui habite à l’est, dans la partie nord de Long Island. Doutant de la voix dans un premier temps, il se refuse à écrire. Puis la voix lui ordonne à nouveau d’écrire et il s’exécute. Quelques temps après, il apprend que cet ami est mystérieusement guéri : « En ce moment, il travaille et utilise ses deux bras. »
Cet épisode marque une sorte de déclic pour François qui se sent investi du précieux don de guérison. La voix lui signale également qu’il est temps de réparer les âmes et lui ordonne de vendre sa boutique. Ainsi cède-t-il à William Lamping son matériel professionnel et récupère-t-il huit dollars qui lui serviront à rembourser une dette. Le surplus, il doit le donner aux pauvres et « se mettre en route. »
Il lui faudra ensuite marcher un certain temps avant de recevoir l’autorisation définitive de guérir les malades. Cette autorisation, il la reçoit le 15 mars 1893 lors d’une vision de la Sainte Trinité à 3 heures où il voit le Père tenir le Livre de Vie et Jésus se lever et marcher vers lui, un lys à la main…
Denver n’entendra plus parler de lui avant longtemps.
Région d’Albuquerque où séjourna François Schlatter
En juillet de l’année 1893, depuis la Dix-huitième rue, il quitte sa maison de pension sous une pluie battante avec environ 3 dollars en poche et se dirige vers la petite ville de Greeley. Il disparaît, marchant jusqu’à Cheyenne dans le Wyoming où il reste plusieurs mois avant de revenir à Denver pour commencer sa « mission ». Aucun de ses amis n’est au courant de ses projets. Il est probable qu’il s’est entraîné en durcissant ses pieds en prévision du long périple qui l’attend : « Je ne savais pas pourquoi j’ai fait cette chose, mais je le sais maintenant. Je n’étais pas très fort et Père me préparait pour ce qui devait arriver. Mais j’avais le pouvoir de guérir avant que je ne quitte Denver. Un jour, Père m’a dit de vendre mon commerce et de ne rien emporter avec moi, de partir, et je me suis mis en route ».
S’ensuivra un périple de 9 000 kilomètres à pied à travers huit états des États-Unis.
La Ville de Denver à la fin du siècle dernier.
“ Le jour du Jugement, vous saurez qui je suis.”
François Schlatter
Quelle extraordinaire destinée, au plein champ du mot, que celle de François Schlatter, cet « Envoyé du Père », sans aucun doute l'un des plus grands, aujourd'hui oublié de l'histoire, mais que réhabilite admirablement dans cet ouvrage mémorable Gil Alonso-Mier, première biographie en langue française consacrée au thaumaturge aux 100 000 guérisons.
François Schlatter est né le 29 avril 1856 à Ebersheim en Alsace, neuvième enfant d'une famille très pieuse. Sourd et aveugle de naissance, il guérira jeune enfant, on ne sait trop comment… par miracle, les prières de sa mère dit-on. Son destin d'Élu exceptionnel débute ainsi, il ne se tarira plus. En 1870, au décès de son père, François décide de devenir cordonnier. Inutile de s'appesantir pour l'heure sur la dimension symbolique du mot et de la fonction… Mais le chemin se trace, on le voit, on le pressent. Arrivé comme émigrant en Amérique en 1884, guidé par celui qu'il nomme « Père », il se fixe à Denver (Colorado) où il débute son ministère de guérisseur, assuré de sa mission.
Il entame ensuite, mû par un appel irrépressible, un parcours de 730 jours à pied, dans huit états d'Amérique, parcours marqué par de multiples guérisons miraculeuses. Arrêté pour vagabondage, il fera même de la prison, mais rien ni personne alors ne peut freiner François qui, continuant son périple, et arrivant à Albuquerque (Nouveau Mexique) après une boucle de 9 000 kilomètres environ, décide un jeûne de 40 jours dans le désert. Retournant alors à Denver, son point de départ, il s'y installe pour guérir quotidiennement une foule compacte qui le suit et qui rend hommage à l'homme simple, au guérisseur et à ses pouvoirs extraordinaires. Ce seront près de 100 000 personnes en souffrance, de toutes conditions, qui seront guéries par François Schlatter en 58 jours ! Le 14 novembre 1895, Monsieur Fox, chez qui Schlatter réside à Denver, trouve un mot dans sa chambre : « Monsieur Fox, ma mission est finie et le Père me rappelle. Je vous salue. François Schlatter. » On ne reverra plus jamais celui que l'on appelait de divers noms : « Le plus grand thaumaturge de son siècle », « The Healer », « El Sañador », « Le marcheur de Dieu », « Le Saint de Denver », « Le Prophète aux 100 000 guérisons », « Le pauvre cordonnier du Colorado ».
Alors… qui était donc véritablement François Schlatter, celui dont Papus - qui était à bonne école, n'en doutons pas - disait dans le journal L'Initiation de mars 1896 : « François Schlatter était un Illuminé, et nous dirons seulement pour ceux qui savent, que cet homme obscur par sa naissance et sa position sociale, était cependant un des Onze qui ont passé par le soleil en 1855. »
Dans cet ouvrage, aux multiples facettes, d'une érudition sans failles, après plus de trois longues années de recherches éminentes, en France et aux États-Unis, et grâce à de très nombreux documents inédits publiés pour la première fois, dans cette présente édition, Gil Alonso-Mier nous conte dans un style épuré à l'extrême, la vie de François Schlatter.
Une biographie, de toute évidence, que l'on attendait…
Les éditions ARQA
2007