(Extrait du séminaire "Enseignements premiers du Christ" de Daniel Meurois - Québec 2004)
L'aspect métaphysique de l'enseignement du Maitre Jésus
Je voudrais vous parler maintenant de ce qui se passait au-delà de ce premier cercle restreint des premiers disciples dont j'ai parlé tout à l'heure.
Il y avait, c'était évident, plusieurs cercles. Certaines traditions parlent d'un cercle de 108 + les 12 = 120. C'était effectivement un cercle - dont je parle abondamment dans "De Mémoire d'Essénien" - qui recevait un enseignement que l'on qualifierait aujourd'hui d'ésotérique, alors que le cercle des douze recevait un enseignement plus privé, plus particulier, mais qui n'était pas plus ésotérique ni plus mystique. Les premiers disciples recevaient, bien entendu, des informations de première main, ça va de soi, mais ils avaient aussi une fonction tactique ; c'est-à-dire que, pour mettre en place tout le mouvement qui devait être réalisé à cette époque-là, il fallait une logistique, c'est bien clair. Or, une logistique, ça signifie des gens qui sont bien implantés dans le peuple, qui n'ont pas peur de se montrer (même si pour Jean il y avait quelques difficultés au départ) et qui avaient beaucoup de contact. Mais, d'après mes propres souvenirs, ce qui s'est dit de plus initiatique, au sens le plus noble du terme, n'a pas été dit uniquement dans le cadre des douze.
Il existait un groupe de personnes qui se situaient entre les 120 et les 12 (je dis 12 même si parfois ils étaient quatorze ou quinze) et je peux dire que c'est ce groupe (de 40 à 50 personnes environ selon les moments) qui a reçu les enseignements les plus métaphysiques....
Je vais éviter dorénavant d'utiliser le mot "ésotérique" parce qu'il cloisonne toujours. Il a eu son rôle à une époque et il m'arrive de me faire piéger encore mais j'ai de plus en plus tendance à vouloir l'éliminer pour parler plutôt d'enseignements métaphysiques très pointus, d'enseignements mystiques.
Donc, ce groupe, dont j'ai eu le bonheur de faire partie il y a deux mille ans, a reçu régulièrement des enseignements très pointus, qui n'avaient rien à voir avec ce qui était enseigné au peuple au niveau des paraboles. Il faut bien savoir qu'à cette époque-là, on parlait beaucoup en paraboles, il n'y avait pas que Jésus qui les utilisait. C'était un peuple peu instruit, voire même pas instruit du tout. C'était des gens qui ne pouvaient pas emmagasiner beaucoup d'informations métaphysiques en même temps ; donc, tous ceux qui enseignaient, que ce soit dans la nature ou dans les temples comme cela se faisait un peu partout, utilisaient des petites histoires.
Il ne faut donc pas croire que Jésus a inventé le style de la parabole. Cela ne diminue en rien son mérite, c'est bien évident, mais c'était un genre qui était en vigueur à l'époque dans les milieux religieux ou spiritualistes, tout simplement parce que c'était par ces petites histoires que chacun pouvait réfléchir. Quand on fait bien attention à l'enseignement qui est contenu dans les paraboles des évangiles - car c'est un très bel enseignement qui recouvre énormément de domaines de la vie - et si l'on regarde aussi cela avec un peu de détachement et sans émotivité, alors on se rend compte que ce sont des conseils de vie tout à fait simples, qui correspondent au bon sens élémentaire, qui parlent au coeur de la personne. Mais dans les paraboles, on n'aborde jamais de grands concepts métaphysiques, ou, s'il y en a qui sont abordés, ils sont très voilés, il faut gratter une première couche, puis une deuxième et une troisième pour les trouver.
Ce que Jésus voulait donc faire, c'était toucher le coeur de la masse des individus et les ramener à leur bon sens élémentaire, chose que ne pouvait pas faire le dogme de la religion dans laquelle ils étaient emprisonnés, car à l'époque, le dogme était très encombré de rituels, d'interdits, de tabous, etc... et il y en a encore beaucoup dans notre monde... mais je dirais donc que Jésus voulait dépoussiérer le Judaïsme et ramener, au-delà des dogmes, l'individu à son bon sens élémentaire, c'est-à-dire, à faire ce que lui demandait de faire son coeur, tout simplement.
En ce sens-là, je dirais que le peuple simple de l'époque était très réceptif. On ne pouvait pas lui parler de choses très subtiles, mais de choses qui s'accordaient à son bon sens, et une chose que les peuples de ces temps-là avaient, et que nous avons perdu, c'est cette espèce d'écoute naïve, mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire, tout simplement, l'émerveillement. A l'époque, on pouvait très facilement embarquer un public dans une belle petite histoire, et les gens n'essayaient pas tout de suite de la décortiquer intellectuellement.
Je ne dis pas qu'on la prenait au premier niveau, non, ce n'était pas primaire, mais on la prenait vraiment au niveau de l'émerveillement, de l'enthousiasme. Il ne faut pas croire que les gens étaient puérils mais ils avaient encore quelque chose de la beauté de l'enfance dans leur façon de pouvoir se mettre à l'écoute de quelqu'un qui savait parler, alors que nous autres, aujourd'hui, nous avons perdu cela.
D'autre part, à cette époque-là, on pouvait aborder auprès des gens des notions qui, aujourd'hui, nous paraissent être du domaine du supranormal, donc de suspect, de bizarre, alors qu'à l'époque, les gens du peuple prenaient cela comme étant quelque chose de logique dans leur vie, c'est-à-dire que, encore une fois, ils n'étaient pas coupés de l'aspect merveilleux.... aspect merveilleux qui, de toute façon, correspond à une dimension de notre monde que l'on vit systématiquement.
Personnellement, il m'a été donné, il y a deux mille ans, d'assister à énormément de choses qu'aujourd'hui on appelle des prodiges. J'ai eu également le bonheur, dans cette vie présente, d'assister à beaucoup de choses analogues, notamment en Inde, qui, aujourd'hui, nous apparaissent comme exceptionnelles ou impossibles, voire même suspectes pour certains. Mais, il y a deux mille ans, cela émerveillait, bien sûr, et ce n'était pas suspect, ça faisait partie des choses qui sont normales dans la vie, que l'on peut vivre lorsqu'on est en présence d'un grand être. Donc, d'une part, cela rassemblait des foules autour de Jésus, mais, en même temps, ce n'était pas que cela qui rassemblait, car, pour les gens, c'était moins exceptionnel que ça l'est aujourd'hui.
Pour en revenir au groupe dont je parlais tout à l'heure, je crois que ce qui m'a permis de faire ce travail d'écriture que j'ai fait jusqu'à présent, c'est le fait que j'ai eu ce bonheur de pouvoir faire partie de ce petit groupe de 40 à 50 personnes avec lesquelles tout un travail a pu être mené à bien sur un plan pointu et à un niveau purement métaphysique.
Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on se trouvait face à Jésus dans des moments de relative intimité, ce qui était fascinant - et je crois que c'est important de le dire - c'est qu'on n'avait pas toujours la sensation de se trouver face à un maître au sens statufié. Il y avait en lui un côté très humain et, en même temps, un côté absolument suprahumain ou divin. Tantôt, c'était l'un qui transparaissait, tantôt c'était l'autre ; souvent, il avait un rayonnement simplement humain - on aurait pu dire "c'est notre copain" ! - et la seconde d'après, il devenait comme une montagne, un Himalaya de lumière et de sagesse.
Ce qui fait que, très souvent, lorsqu'on le voyait dans l'intimité et même aussi en public, il nous arrivait très souvent d'être comme déstabilisé parce qu'on ne savait plus qui était là devant nous. Pendant un instant, c'était un homme dont on pouvait dire "c'est notre copain" - parce qu'il nous laissait aussi pénétrer vraiment dans une grande intimité par rapport à lui - et, l'instant d'après, ce n'était plus vraiment un humain.
De la même façon, il dégageait parfois une personnalité très mâle et, la minute d'après, cet aspect disparaissait pour laisser transparaître une certaine douceur, une intuitivité féminine. Il y avait toujours ces deux aspects qui se chevauchaient et cela aussi contribuait forcément à nous déstabiliser, puis à lui donner une dimension qui n'a fait qu'augmenter d'année en année.
Ce qui était étrange (et cela je l'ai retrouvé à notre époque avec un Maître de Sagesse en Inde* ), c'est que, d'une minute à l'autre, on avait l'impression d'avoir à faire soit à un vieillard, soit à un enfant. Bien entendu, ce n'était pas l'aspect physique de son visage qui changeait, mais c'était comme une image en surimpression qui faisait qu'il pouvait traduire tous ces aspects-là, simultanément et alternativement. Et cela était vraiment très troublant !
* (Daniel parle ici de Sathya Saï Baba, qu'il l'a rencontré plusieurs fois avec ou sans Anne)
Je voudrais revenir sur cet aspect humain et de proximitié auquel Jésus nous laissait participer...bien que je ne devrais pas dire "il nous laissait participer" car on pourrait croire que ça partait d'une intention de sa part, ce qui n'était pas le cas... Tout simplement, il était comme ça, il ne pouvait pas être autrement. Il ne cherchait absolument à pas être le Maître qui parle devant ses disciples allongés à ses pieds. Je dis cela parce que c'est ce qui arrivait parfois, des gens s'allongeaient devant lui ou se jetaient à ses pieds pour les embrasser... et il l'acceptait.
Evidemment, aujourd'hui, on n'accepterait pas un spectacle comme celui-là parce que, dans notre mentalité, c'est s'abaisser devant quelqu'un que de faire cela, alors qu'à l'époque, c'était tout simplement vénérer ou admettre un aspect divin chez l'autre et s'incliner devant la divinité. Ce n'était pas l'aspect humain qui comptait.
Jésus, lui, acceptait ce geste-là parce qu'il le vivait non pas au niveau égotique mais au niveau de la Force qui l'habitait. Cela est extrêmement différent.
De plus, dans la société de l'époque, c'était chose normale que de toucher les pieds d'un maître spirituel, c'était aussi logique qu'aujourd'hui lorsque nous faisons la bise à quelqu'un ou lorsque nous lui serrons la main. Nous n'avons fait que déplacer notre système des valeurs et si vous allez embrasser les pieds de quelqu'un dans la rue, aujourd'hui, on dira que vous êtes fou ou bien que vous êtes en extase et esclave devant votre gourou. Mais ce n'était pas du tout le problème à l'époque, et lorsque Marie-Madeleine, selon les évangiles, va oindre les pieds du Maître Jésus avec une huile qu'on appelle le Naar, c'était un geste tout à fait normal en ces temps-là. Ce qui était moins normal, c'est qu'elle ait utilisé cette huile essentielle très précieuse qu'est le Naar, car cellle-ci, encore aujourd'hui, est une huile très coûteuse, et à l'époque, on la réservait en très petites quantités pour oindre les pieds des statues ou d'autres objets. Marie-Madeleine n'a donc pas été apostrophée par le public parce qu'elle avait oint les pieds d'un maître spirituel mais bien parce qu'elle utilisait le Naar. D'ailleurs, si vous vous souvenez bien, il y a un noble qui lui demande pourquoi elle emploit cette huile pour oindre les pieds de Jésus alors qu'avec le prix de celle-ci, elle aurait pu aider beaucoup de pauvre. A ce niveau, on voit bien qu'on lui reprochait surtout de faire un gaspillage.
Or, le Maître Jésus avait répondu (plus ou moins) au noble : "Oui, mais laisse faire cette femme car des pauvres il y en aura toujours alors que moi, on ne m'aura pas tout le temps."
Ceci peut paraître évidemment un trait d'ego... mais ce n'est absolument pas le cas. En fait, c'est un enseignement qui veut dire que le devoir de celui qui est perçu comme étant le Maître est d'accepter la place qui lui revient. Chacun doit accepter la place qui lui revient. Ce n'est donc pas l'ego de l'être qui parle, il y a une espèce d'échange énergétique logique qui s'installe à un moment donné entre celui qui donne et celui qui reçoit, et il y a autant de justesse à savoir recevoir que de justesse à savoir donner.
C'est une chose qui revenait constamment dans ses enseignements... pas les enseignements pour le grand public, mais ceux qui étaient donnés au groupe des 120 et qui touchaient les lois du moteur de la Vie, comme celui-ci : on ne peut pas donner sans recevoir et on ne peut pas recevoir sans donner. C'est la mécanique de la prospérité ou de l'abondance dans la vie. Il n'y a pas de moteur de vie possible si on ne sait pas recevoir et si on ne sait pas donner. Pour Jésus, c'était quelque chose de fondamental dans son enseignement. Si on n'a pas cette attitude intérieure de mouvement, de circulation des forces, on coupe en soi notre rapport au juste équilibre des forces vitales et universelles.
Il faut donc bien savoir que certaines choses comme celle-là que Jésus a dites ne révèlent pas des traits d'ego mais une connaissance profonde du fonctionnement du moteur universel. Et le geste de Marie-Madeleine, c'était une façon d'honorer le Maître, c'était dans la coutume de l'époque. Par exemple, ceux qui étaient les disciples de quelqu'un ou ceux qui étaient les employés et domestiques dans les maisons des riches, à certaines époques de l'année, à l'occasion de certaines fêtes ou la fête du maître de maison, avaient pour coutume de laver les pieds du maître en question. C'était une façon de l'honorer, tout comme aujourd'hui, on irait offrir un cadeau ou des fleurs. Ce n'était pas quelque chose qui donnait l'impression de s'abaisser devant quelqu'un d'autre, sauf que c'était toujours le maître qui était sensé recevoir ce genre d'hommage.
Là où le Maître Jésus a été révolutionnaire, c'est que lui s'est tourné vers ses disciples et il leur a fait la même chose !
Comme vous pouvez le constater, les moeurs de l'époque étaient différents de la nôtre. Par exemple, au niveau du baiser. Je sais qu'au Québec et dans certaines régions du monde, deux hommes ou deux femmes peuvent s'embrasser sur la bouche quand ils sont intimes sans qu'il y ait une notion amoureuse. En Europe, on n'en parle pas, on pense forcément qu'il y a une notion affective. Eh bien, à l'époque de Jésus, on pouvait voir deux hommes se faire un "petit bec" sur la bouche, sans penser pour autant qu'il y avait une relation homosexuelle.
Il faut bien comprendre qu'à l'époque, les rapports et les gestes sociaux entre les gens n'étaient pas du tout les mêmes qu'aujourd'hui. Certains exégètes se sont amusés à conclure, en prenant je ne sais quel passage des évangiles où l'on raconte que Jean est allé mettre sa tête sur l'épaule du Maître Jésus, qu'ils étaient vraiment très intimes, donc, qu'on pouvait penser qu'il y avait quelque chose entre eux, etc, etc... En effet, avec notre esprit tordu d'homme du vingtième siècle, sous prétexte qu'on a éliminé un certain nombre de tabous, nous avons créé par la même occasion des modèles qui ne sont pas toujours très propres.
Mais à l'époque, ça ne fonctionnait pas ainsi. Si un homme allait poser sa tête sur l'épaule d'un autre homme qu'il aimait beaucoup, on n'allait pas tout de suite penser qu'il y avait un rapport ambigu entre eux.
Ce sont des petites disgressions que je fais là mais elles ne sont pas si anodines qu'on le pense. De plus, on retrouve beaucoup ces rapports de proximité corporelle entre hommes ou même entre femmes au Moyen-Orient et en Afrique.
Ceci me rappelle une anecdote amusante que j'ai vécu il y a quelques temps : j'ai un très grand ami africain qui a émigré au Québec il y a quelques années et, lors de sa première venue, j'ai voulu lui faire visiter un centre commercial en plein Montréal. Cet ami africain est un grand costaud avec une très belle prestance. Or, voilà que celui-ci, en pleine galerie commerciale, commence à me prendre par la main...et nous voilà alors promenant en public comme ça.... Je me suis dit : "Là, si on rencontre des lecteurs, je suis grillé !" (Grands rires de la salle).... Mais pour lui, c'était une chose tout à fait normale, il était avec son ami et c'était logique de lui tenir la main. Je me suis donc laissé faire car c'était réellement un élan du coeur, j'ai trouvé cela très beau et, en même temps, très étrange à vivre, je dois bien l'avouer ! "