Joséphine s'est fait opérer des yeux à 79 ans et elle a été victime d'une erreur médicale. L'a-t-elle acceptée ou a-t-elle porté plainte ? Je vous raconte comment elle a réagi…
Le médecin de Joséphine vient de lui annoncer la nouvelle. Elle doit se faire opérer des deux yeux pour une cataracte avancée. Elle vit seule depuis 24 ans et elle a l’habitude de se prendre en charge. Pleine d’énergie et en très bonne forme physique, elle pratique le Yoga et le Taï-Chi, ce qui lui donne du recul, une philosophie personnelle de vie et lui permet d’aborder cette opération sans l’appréhender. C'est-à-dire en devenir actrice sans en avoir peur. C’est une opération somme toute banale, même si deux anesthésies locales successives sont moins anodines à son âge qu’à vingt ans !
La première opération à l’œil gauche se passe bien, et Joséphine doit normalement retrouver l’usage de sa vue très rapidement. Cependant, au premier contrôle post - opératoire, elle signale que sa vue reste toujours bien brouillée et qu’elle est fortement gênée dans le quotidien. « L’opération s’est parfaitement bien passée » rétorque le chirurgien sans prendre en compte ses arguments. Il lui demande d’être plus patiente. Le deuxième contrôle post-opératoire, se passe à l’identique du premier. Joséphine vit difficilement un quotidien qui se prolonge depuis maintenant 12 jours, sans exercice physique, sans conduire, avec des lunettes noires. Elle surfe entre la patience et le doute.
Ne voyant (!) pas d’amélioration notoire, Joséphine retourne chez le médecin vingt-quatre jours après l’opération. Elle insiste d’un ton mesuré mais ferme sur le flou qui persiste pour ce premier œil opéré et sur la nécessité de chercher un peu mieux les raisons de ce mauvais résultat. Elle déclare qu’elle ne sortira que lorsqu’on les aura trouvées. Devant tant de détermination et à contre cœur, le praticien lui octroie quelques secondes supplémentaires pour une vérification de son dossier qu’il assure sans intérêt.
Il lit, fouille, et bute sur une information. Un embarras visible apparait dans son expression. Sa belle assurance diminue. « Nous avons un problème » parvient-il à murmurer au bout d’une interminable minute d’attente. Une autre minute s’écoule et la tempête sous son crâne est si visible que Joséphine n’a pas besoin de rajouter quoi que ce soit. Elle attend. « Nous nous sommes trompés dans les caractéristiques oculaires transmises à la banque des implants » finit-il par déclarer d’une voix de petit garçon pris en faute.
Joséphine attend toujours. Le chirurgien quitte son bureau car d’autres informations lui sont apparemment nécessaires. Il rejoint son assistante-secrétaire-infirmière, qui sait aussi faire le café. Il revient. Oui, c’est bien elle qui est à l’origine de l’erreur ! Il est rassuré, ce n’est pas lui ! Son orgueil de « mâle-chef-c’est moi le meilleur » s’en trouve réconforté. Et il propose alors à Joséphine une ré - opération dès le lendemain. En femme ayant les pieds sur terre, elle décide de prendre le temps de réfléchir à la question. D’abord parce qu’elle ne se sent pas en forme pour une deuxième anesthésie aussi rapidement, et aussi pour laisser mûrir cette proposition un peu trop rapide mais qui lui semble la bonne et la seule bien sûr. Elle veut simplement la mesurer dans toutes ses dimensions.
Et elle a raison de réfléchir parce qu’une partie de son entourage lui conseille de porter plainte, une autre partie de laisser tomber « parce qu’on ne peut rien faire contre les puissants ». L’assistante-infirmière-manager du cabinet médical lui téléphone car elle veut la voir et lui parler le jour même. Elle déclare à Joséphine qu’elle veut donner sa démission. Elle est effondrée car une telle erreur ne lui est jamais arrivée depuis vingt ans qu’elle gère ce cabinet médical et elle ne s’en remet pas. Elle semble décomposée à l'appareil.
Alors Joséphine se décide. Elle prend rendez-vous avec le chirurgien et son assistante. En premier, elle dit qu’il y a eu une erreur bien sûr, mais que tout le monde en fait, et que l’important est de la réparer. Elle déclare qu’elle n’a pas envie de porter plainte mais qu’elle attend une prise en charge totale de l’intervention. Pas en ambulatoire comme la première fois, avec la nécessité de trouver un chauffeur et une personne qui reste avec elle pendant les vingt quatre heures qui suivent, vu qu’elle vit seule. Et sans supplément d’honoraires, non plus !
Elle explique aussi au médecin qu’elle a eu le temps d’observer le fonctionnement du cabinet médical lors de ses nombreux rendez-vous. Elle ne met pas en doute les compétences de la personne qui a fait l’erreur mais plutôt sa surcharge de travail. Tout être humain a des limites et il n’est pas étonnant qu’en fin de journée, la concentration ne soit plus d'une efficacité totale. C’est pareil dans tous les domaines. Elle ajoute aussi qu’il est prévisible que d’autres erreurs se produiront encore dans l’avenir avec un tel rythme de travail. Quid de l’avenir de ce cabinet médical si il ne reconsidère pas ses activités dans un souci de qualité des soins ? Ce n’est plus le problème de Joséphine.
La deuxième opération s’est bien passée, et la troisième aussi pour l’œil droit. L’assistante est toujours en poste et Joséphine a retrouvé ses yeux de vingt ans. Mais c’est sans doute son bon sens de quatre fois vingt ans qui l’ont guidée dans une démarche qu’elle estimait juste et équilibrée.
Ce récit est inspiré d'une histoire réelle. Seul le prénom a été modifié. Merci à "Joséphine" pour son témoignage.
Il est dédié aux personnels de santé et à leurs qualités humaines tellement importantes pour les patients.