Les blouses blanches face aux EMI extrait du colloque...
Les Blouses BlanchesLa discussion suivante porte sur l'évolution du regard de la communauté médicale et scientifique sur l'EMI. Raymond Moody en profite pour enchaîner sur ses propres travaux et annonce qu'il souhaite publier son prochain livre en France avant les Etats-Unis. Sa réflexion porte sur l'établissement d'une nouvelle logique qui va nous permettre de faire un saut qualitatif majeur dans l'appréhension de ces phénomènes. De même que Jourdan a mis à jour une logique derrière les perceptions absurdes des expérienceurs, Raymond Moody pense pouvoir rendre compte des autres parties du récit, tout aussi absurdes en apparence. De sorte que l'information rapportée pourra être beaucoup plus facilement traitée et "intégrée".
La question philosophique d'une vie après la mort ne peut être tranchée par le seul recours à la raison, c'est-à-dire à la science et la philosophie. De nouveaux outils conceptuels doivent être développés qui ne reposent pas sur la seule logique aristotélicienne, laquelle est déjà inapte à déchiffrer le monde tel que nous le décrit la mécanique quantique. Raymond Moody ne va pas sur ce terrain, mais Jean-Jacques Charbonier s'intéresse pour sa part à ces pistes de réflexion, notamment celles qui tournent autour d'un espace superlumineux : si le temps ne s'y écoule plus, alors toute l'information est présente et on accède à l'omniscience. De même, si on connaît tout alors on comprend tout et donc on aime tout. Amour et connaissance, qui caractérisent le ressenti profond de l'expérienceur, seraient ainsi les deux faces d'une même manifestation, celle d'une conscience qui accède à l'espace tachyonique.
Selon Jean-Jacques Charbonier, les médecins se montrent moins ouverts que les scientifiques d'autres disciplines, en particulier les physiciens. La biologie n'a pas fait sa révolution conceptuelle et repose sur une vision très mécaniste des choses. Jean-Pierre Jourdan souscrit à ce point de vue et espère que le corps médical va finir par comprendre qu'il y a là un domaine d'intérêt majeur.
Xavier Rodier troque sa casquette d'animateur contre celle d'infirmier spécialisé et insiste sur le rôle infirmier dans la prise en charge des témoins. Il nous raconte deux cas d'EMI d'enfants qui montrent combien l'écoute est importante, sans jugement, mais avec attention et bienveillance.
Au cours de cette table-ronde, Sonia Barkallah interpelle le public : « Je voudrais savoir s'il y a des gens parmi vous qui ont fait une EMI. S'il vous plaît, levez la main. » De nombreuses mains se lèvent. « Maintenant, j'aimerais savoir si certains connaissent des proches qui ont vécu une EMI... Merci. » Le public est de toute évidence déjà largement sensibilisé, et beaucoup sont aussi venus chercher du réconfort. Le Dr Moody s'adressera particulièrement à eux en fin de journée.
Dr. Sylvie DéthiollazLa présentation faite par le Dr Sylvie Déthiollaz, fondatrice du centre Nôésis de Genève, concerne le pouvoir de transformation de l'individu par l'EMI. Celle-ci a d'abord des vertus thérapeutiques, l'individu change de valeurs, de vision de la vie, et n'a plus peur de la mort. Mais il y a un décalage entre le discours et la réalité, et la transformation ne s'opère pas nécessairement. L'EMI est un point de rupture qui peut être plus ou moins bien vécu selon la personnalité et le profil psychologique. Elle peut être aussi un réel traumatisme car elle induit une profonde remise en question et se double d'une difficulté à partager ce questionnement et ce vécu. Paradoxalement, les premières manifestations sont ainsi plutôt négatives : repli sur soi, instabilité affective..., c'est qu'il faut parfois 10 à 15 ans pour intégrer l'expérience. Quant à l'EMI négative, Sylvie Déthiollaz en distingue trois types : l'expérience peut être "infernale", "dénuée de sens", ou "inversée". Les conséquences en sont une peur exacerbée de la mort et un état dépressif, soit un syndrome de stress post-traumatique. Les causes ne sont pas élucidées, et on pense simplement que la peur peut être à l'origine de ces contenus.
Le Dr Mario Beauregard enchaîne sur les états mystiques, étudiés par la "neurothéologie", ou "neurosciences spirituelles". Il s'agit d'étudier les bases neurobiologiques des expériences religieuses, spirituelles ou mystiques (RSM), sans les réduire à ces bases, et sans se prononcer sur la justesse de leur objet, à savoir "Dieu". Quinze carmélites, contemplatives, se sont soumises à l'expérience d'imagerie cérébrale du Dr Beauregard. Résultats : « L'expérience d'union avec Dieu n'est pas associée uniquement au lobe temporal. Il n'y a pas de "module de Dieu" dans le cerveau. Cette expérience est multidimensionnelle : les régions cérébrales impliquées sont liées à la conscience de soi, aux aspects physiologiques et expérientiels des émotions, à une altération du sens spatial de soi ainsi qu'à l'imagerie mentale de type visuel. »
Et Mario Beauregard d'évoquer ensuite le célèbre cas de Pam Reynolds, jeune américaine opérée d'un anévrysme et dont le corps était plongé en hypothermie, le cœur arrêté, en état de mort clinique provoquée pendant une heure. Elle a décrit les instruments, les conversations, les procédures... avant une expérience dans la lumière. Ainsi, ces expériences restent possibles quand le cerveau ne fonctionne plus du tout... Le Dr Beauregard conclut en insistant sur le fait que les expériences RSM ne sont pas des hallucinations. De plus elles ont un impact positif sur la santé puisqu'elles modulent les systèmes immunitaire et cardiovasculaire.
C'est l'heure de la synthèse, Raymond Moody prend la parole pour nous reparler de Platon et de La République, intarissable source de sagesse. Nous continuons à nous poser la question d'une vie après la mort car ni la philosophie, ni la science n'ont répondu de façon définitive. La foi religieuse est-elle alors la seule réponse ? Non, car la raison peut progresser et mieux appréhender d'autres dimensions de la nature humaine. Raymond Moody redit qu'il pense sincèrement qu'une évolution majeure est en marche : « Je veux vous émettre cette pensée : je crois que nous sommes à la veille de percées étonnantes qui vont faire évoluer l'essence même de l'être humain. Je crois que lorsque ce progrès sera réalisé nous allons être changés de façons qui sont actuellement inimaginables. »
Quelques questions du public montrent que l'émotion est forte à l'issue d'une journée aussi riche. Peut-être aussi une certaine frustration car il a été trop peu question d'Amour avec un grand A, comme le dit Jean-Jacques Charbonier, dans les discours des scientifiques. C'est que l'amour n'est pas un objet de science... Il n'a toutefois pas été absent de la journée puisque les interventions et tables-rondes ont été ponctuées des témoignages notamment de Jean Morzelle, Dominique Bromberger et Nicole Dron. Ils nous ont donc rappelé à plusieurs reprises l'enseignement fondamental de ces expériences, mais la médecine et la science sont loin d'en être à cette dimension de l'être. Quant à l'ésotérisme, ou autres formes de croyances, cette journée tenait précisément à déjouer les amalgames. La nature de la conscience est une question parfaitement rationnelle, et les éclairages donnés par telle ou telle religion, pratique ou croyance, n'ont qu'une valeur indicative en tant que faits culturels. Ces premières Rencontres internationales étaient placées sous le signe de la rationalité et souhaitaient éviter l'écueil du rationalisme comme celui des croyances. Certes la science doit faire preuve d'une grande humilité mais rien de ce qui appartient au réel ne lui est étranger, fut-ce au prix d'une rupture logique comme nous y invite Raymond Moody.
Les EMI nous laissent entendre que nous sommes bien plus que ce nous croyons être. Nous espérons que cette journée marquera une date importante dans cette prise de conscience.
Jocelyn Morisson
http://www.s17production.com/fr/Lesblousesblanches.asp